Le Haut Conseil pour le climat exhorte le gouvernement à accélérer son action climatique
Dans son nouveau rapport annuel, la vigie française du climat salue l’accélération de la baisse des émissions du pays. Toutefois, elle alerte sur les impacts du chaos climatique qui croissent plus vite que les moyens mis en œuvre par le gouvernement pour s’y adapter.
Mickaël Correia, 20 juin 2024 à 06h59
C’est la vigie française de l’action publique en matière climatique. Le Haut Conseil pour le climat (HCC), organisme indépendant placé auprès des services du premier ministre, a publié jeudi 20 juin son sixième rapport annuel.
L’étude, intitulée « Tenir le cap de la décarbonation, protéger la population », était attendue, après une année 2023 qui a été la plus chaude jamais enregistrée sur Terre, et après que le gouvernement a, en février, amputé de 2,2 milliards d’euros le budget dédié à l’écologie.
Lors de la présentation du rapport, la climatologue et présidente du HCC Corinne Le Quéré a tout d’abord souligné qu’« au cours de la dernière décennie, la France a fait l’expérience de l’aggravation des impacts du changement climatique », avant de rappeler que « plusieurs limites ont été atteintes localement en France, notamment en termes d’accès à la ressource en eau ».
Le rapport du HCC indique en effet que « certains territoires français, notamment ceux qui ont été fréquemment inondés, ont déjà atteint les limites de leurs capacités d’adaptation au changement climatique » et que les inégalités d’exposition face au dérèglement du climat « risquent de s’aggraver », notamment pour les enfants, les ménages et les entreprises. Et le HCC de prévenir : « L’exposition accrue de la population, des écosystèmes, des infrastructures et des activités économiques [aux] conséquences [du réchauffement] présente des risques majeurs pour la société. »
L’adaptation au changement climatique est en train de s’institutionnaliser et de se pérenniser, estime le HCC, mais « un changement d’échelle est essentiel » car la surchauffe de la planète s’intensifiant rapidement, les moyens mis en œuvre par l’État pour en limiter les impacts demeurent trop lents. « Le décalage se creuse entre les mesures prises et les besoins d’adaptation », a résumé Sophie Dubuisson-Quellier, directrice de recherche CNRS et membre du HCC.
Des baisses d’émissions encourageantes
Côté rythme de décarbonation de la France, et alors que l’Europe se réchauffe deux fois plus vite que le reste du globe, les émissions brutes de gaz à effet de serre du pays ont baissé de 5,8 % par rapport à 2022. Le HCC précise que, pour la première fois et hors crise covid, le rythme de baisse de nos émissions est cohérent avec une trajectoire de décarbonation pour atteindre nos objectifs climatiques en 2030.
Un tiers de cette baisse entre 2022 et 2023 est dû à des facteurs conjoncturels, en particulier avec « le retour à la normale de la production électrique, après l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires et le manque d’eau dans les barrages en 2022 », détaille le rapport.
Toutefois, malgré ces résultats encourageants, l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 reste lointaine.
Le rythme de réduction des émissions du secteur des transports doit tripler à l’horizon 2030 – et ce, alors que le président Emmanuel Macron a, en septembre 2023, affirmé à la télévision « adorer la bagnole ».
Par ailleurs, le HCC pointe aussi l’urgence à préserver les puits de carbone naturels, c’est-à-dire les écosystèmes qui absorbent une partie du CO2 émis dans l’atmosphère. Ces derniers sont de plus en plus fragilisés par les impacts des dérèglements climatiques comme les mégafeux ou les sécheresses.
Membre du HCC, Jean-François Soussana, directeur de recherche et vice-président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), chargé de la politique internationale, a alerté lors de la divulgation du rapport : « Il n’y pas encore de politique publique ambitieuse en matière de stockage du carbone par les forêts et dans les sols cultivés, notamment les prairies. »
Un calendrier législatif qui prend du retard
Enfin, le HCC s’est surtout alarmé des dispositions législatives climatiques qui prennent du retard. « Ni la loi de programmation énergie et climat, ni la Stratégie française énergie et climat, ni la 3e Stratégie nationale bas carbone (SNBC), ni le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), ni la 3e Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives », mentionne le rapport.
Face à ce calendrier législatif climatique repoussé, Corinne Le Quéré a été jusqu’à écrire le 2 avril une missive au premier ministre, Gabriel Attal, se préoccupant « du risque de recul de l’ambition de la politique climatique » du pays.
« Nous avons un gros problème de retard sur la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie : pour l’instant nous n’avons pas de visibilité sur le déploiement des énergies décarbonées après 2028, s’est inquiétée la présidente du HCC. Le développement du nouveau nucléaire est long et incertain, et nous avons besoin à court terme d’énergie décarbonée, ce que permet le déploiement des énergies renouvelables. »
La publication de ce sixième rapport annuel marque la fin de la première mandature du HCC, qui s’achèvera officiellement le 24 juin (avant la nomination, par décret, des membres de l’organisme et d’un nouveau président) et ce dans un contexte politique marqué par la dissolution de l’Assemblée nationale. En effet, le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), conseil d’expert·es directement rattaché au premier ministre qui pilote la transition écologique du pays, semble actuellement en suspens alors que les documents-cadres climatiques comme la SNBC, la PPE ou le PNACC sont techniquement prêts, n’attendant plus qu’un feu vert politique.
Des circonstances politiques que n’a pas voulu commenter le HCC, à l’instar de Sophie Dubuisson-Quellier qui a déclaré en conférence de presse : « Tout gouvernement sera de toute façon confronté aux impacts du changement climatique. »
Pas le temps, trop occupé à foutre le bordel en Kanaky et avec les élections anticipées…
Pas envie aussi, surtout.